les émotions sont souvent considérées comme ennemies de la raison et dangereuses pour notre sens moral. Emportées par elles, nous perdrions de vue ce que nous devons faire. Mais est-ce vrai de toute émotion ? Certaines d'entre elles semblent nous servir de guide au quotidien, voire jouer un rôle essentiel pour nous aider à nous conduire de façon morale. Ce serait le cas tout particulièrement du sentiment de culpabilité, qui fait partie des émotions dites morales. Elles sont ainsi qualifiées, car elles sont éprouvées en résultat à des actions que nous jugeons bonnes ou mauvaises ; ainsi, on ne se sent coupable que si l'on estime, à tort ou à raison, avoir mal agi.
Si les émotions sont inconscientes, la culpabilité fait partie des émotions auto-conscientes, celles permettant aux individus de réguler leurs actions. C'est un sentiment causé par la transgression d'une norme morale proche du remords.
Peut s'adjuver de l'embarras et de la honte qui sont des sentiments proches. La culpabilité s'en distingue car elle entraîne des remords avec souvent la volonté de réparer sa faute, son erreur perçue. La honte étant la peur du regard de l'autre, est liée à la crainte du rejet social, de l’exclusion. Elle résulte du sentiment d’être indigne, inférieur aux autres. Nous la ressentons si nous portons des vêtements banals lors d’une soirée huppée, ou quand, chômeurs, nous sommes entourés de gens qui travaillent, par exemple. Elle nous donne envie de fuir, de nous cacher. Elle est parfois définie comme la version sociale de la culpabilité. L'embarras, un fardeau symbolique, est un état ressenti causé par un acte perçu comme inacceptable par le sujet et révélé aux autres. L’embarras surgit quand nous contrevenons aux conventions, aux règles du savoir-vivre comme embarrassés par les gargouillis intempestifs de notre ventre, nous nous excusons. Aussi, le remords, expression cognitive du regret, est généralement ressenti par une personne après avoir commis un acte qui a conduit à être honteux, blessant ou violent. Le remords est très proche de la culpabilité et d’un auto-ressentiment.
La culpabilité renvoie donc à l’idée d’une faute commise. La faute renvoie à son tour au sentiment de culpabilité qui s’attache à la personne ayant accompli cet acte. Il est à considérer une dimension objective de la culpabilité qui correspond à l’acte mesuré ou que l’on prévoit de commettre et une dimension subjective qui correspond au ressenti relatif à cet acte et qui affecte la personne entière.
En parlant de la culpabilité, pour Jacques Lacan la seule chose dont nous puissions être coupables est de ne pas assumer nos désirs, d’être "moralement lâches". Il ne parle pas de lubies ou de pulsions sexuelles à assouvir sur-le-champ, encore moins de tendances perverses, mais de la force vitale qui mène notre existence. C’est, par exemple, le désir de peindre ou d’écrire qui pousse les artistes à créer en dépit de la faim ou de la pauvreté. Plus quotidiennement, c’est l’envie d’être autonome, d’exercer un métier qui nous plaît, de disposer de notre temps, d’aimer qui nous voulons au-delà du regard de l’entourage.
Freud regroupait toutes ces manifestations sous le nom de "masochisme moral", où le sujet refuse de renoncer à une certaine quantité de souffrance par besoin d’expiation et de punition. La culpabilité pourrait ainsi être comprise à partir du hiatus entre ce que nous sommes et ce que nous devrions être. Antropologiquement, la culpabilité favorise la régulation sociale des activités de leurs membres.
En revanche, si nous relions culpabilité et responsabilité, nous faisons alors apparaître le côté sain et productif de la culpabilité. c’est-à-dire au fait que toute culpabilité n’est pas à déplorer ou à extirper, comme étant une impasse, elle est aussi une prise de responsabilité. Responsabilité entendue dans ces deux étymologies possibles : "répondre à" et "répondre de".
Considérons donc que c'est une expérience émotionnelle désagréable, caractérisée par un sentiment de tension, d’anxiété et d’agitation. Mais, bien avant de constituer une manifestation inadaptée, elle est un signe de bonne santé psychologique en nous signalant que nous avons mal agi, transgressé nos valeurs, nos principes moraux. La culpabilité nous sert d'alerte quand il y a dommage moral et qu'un comportement doit être effectué pour rétablir la situation. La capacité d'éprouver ce type de sentiment n'est pas innée et passe par un apprentissage dans la petite enfance. De sorte que certaines personnes sont ensuite davantage susceptibles que d'autres de ressentir la culpabilité. L'expérience de la culpabilité apparaît donc tôt dans notre vie comme outil de régulation du lien social.
Dans l'évidence, elle concerne notre rapport à la loi (symbolique). Lorsque nous nous sentons coupables, nous essayons de réparer. Pour éprouver de la culpabilité, une personne doit tout d'abord être capable de bien évaluer son propre comportement comme étant la cause du tort, et d'avoir connaissance des normes morales susceptibles d'être violées. Celles-ci nous viennent de notre famille, des institutions scolaires et plus largement de la société dans laquelle nous vivons.
La culpabilité est un ressenti émotionnel, très fréquent, qui survient lorsque l’on se juge soi-même responsable d’une entorse à nos propres valeurs. C’est un mélange de honte, de tristesse, de mépris et de colère, où le regard de l’autre et le regard qu’on porte sur soi jouent pour beaucoup. Ce qui compte, ce n’est pas la réalité de la faute, mais l’impression qu’a la personne d’avoir enfreint les règles auxquelles elle adhère. Ces principes peuvent être communément admis ou pas. Ainsi, certaines personnes peuvent ressentir une culpabilité pour un acte accepté par la société, et à l’inverse, ne ressentir aucune culpabilité pour un acte condamné par la société.